David & Jonathas – Concert
Les premières notes que nous avons jouées ensemble avec Correspondances étaient celles de Charpentier. Au fil des ans, nous avons construit l’identité de la troupe sous la protection de ce génie de la musique tous siècles et tous continents confondus. Nous arrivons avec ce David à une étape importante pour nous : aborder pour la première fois l’une des deux seules grandes œuvres lyriques qu’il nous a léguées !
Pourquoi David avant Médée ? Pas simplement pour la chronologie, même si le développement de Charpentier suit un processus linéaire très différent de ses contemporains. Ce compositeur a toujours été en recherche : pas une œuvre ne ressemble à la précédente, jamais une découverte ne devient un système, jamais une trouvaille ne devient un tic de langage… David vient donc à la suite d’expériences antérieures (notamment ses Histoires sacrées, que nous avons données sur scène à Caen en 2016) qu’il renouvelle totalement. Ainsi le sujet de Saül et David qu’il avait traité sous la forme d’un oratorio reparait ici sous un jour totalement nouveau.
Un opéra ? Un opéra biblique ? Le genre de cette œuvre ne rentre pas dans nos cases… Composé pour le spectacle de fin d’année du grand collège Jésuite Louis-le-Grand en 1688, il mobilise aussi bien des professionnels de l’Académie royale que les étudiants eux-mêmes, dans le cadre d’une production importante digne de celles de l’opéra. Les actes qui le composent étaient alternés avec les actes d’une tragédie théâtrale, jouée en latin sur le même sujet. Cette œuvre s’éloigne des canons de la tragédie inventée par Lully par sa forme, mais aussi par son style musical : on y trouve notamment une intensité et une intériorité particulières, un soin apporté à l’écriture de la voix et à la richesse de son accompagnement et des évocations descriptives très marquantes.
Ce qui donne tout son sel à cette œuvre aujourd’hui, c’est son point de vue. On voit le monde, la guerre, les tensions familiales, la folie, l’exercice du pouvoir, la paranoïa, la valeur de la parole, avec le regard de la jeunesse. Dès lors, les grilles de lecture du monde des adultes deviennent obsolètes
À la fin de ce premier quart de XXIe siècle, il me semble que cette œuvre du XVIIe, malgré la tragédie, respire une forme d’idéalisme sain qui nourrit l’espoir (David veut la Paix et s’emploie envers et contre tout à réconcilier les parties), dit quelque chose sur la puissance des serments (peu importe qu’il soit question d’amitié ou d’amour, ce qui compte c’est la parole donnée, plus forte que tout). Elle nourrit une vision du monde, chevaleresque et idéaliste sûrement, que seule l’adolescence peut oser. C’est ce regard d’adolescent, nourri de culture et d’expériences des siècles passés, qui est peut-être la clé de notre avenir.