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Cérémonies de voyage

La cour de Louis XIV représente un sommet d’organisation : tous les corps d’artisans, depuis les plus menues tâches du quotidien aux plus fameux artisans & artistes se retrouvent autour d’un roi comme un horloge magnifiquement réglée.
Pourtant, le souverain se plaît lui-même parfois à en contrarier le cours : il suffit d’un caprice royal (le beau temps, l’envie de chasser, l’humeur bucolique) pour que l’on décide qu’une journée qui devait se régler comme du papier à musique à Versailles doive finalement avoir lieu à Fontainebleau ou d’autres résidences royales…

Impossible alors de déplacer en quelques heures toute la machinerie de la cour (les meubles, les cuisines, etc). Se met alors en place un service qu’on pourrait appeler des « équipes volantes » aujourd’hui. Pour ce qui concerne la musique par exemple, des 80 musiciens qui jouent quotidiennement la messe du roi, seuls une quinzaine d’entre eux prendra la route pour le nouveau lieu de villégiature ! Le répertoire ne change pas : on joue les grands motets de la chapelle royale mais on les transcrit, on les adapte pour ce nouvel effectif resserré et faire en sorte que le roi puisse entendre ses motets favoris où qu’il choisisse d’aller ! On trouve la trace de ces motets « de voyage » dans un recueil qui contient des musique de Lalande, Couperin et bien d’autres. L’effectif de 3 voix, 2 violons et basse-continue est caractéristique. Les nombreux motets de Charpentier pour un effectif équivalent auraient donc tout à fait pu faire office de motets de voyage pour sa grande mécène, Mademoiselle de Guise, duchesse d’Alençon, pour ses nombreux déplacement en Normandie à la fin du XVIIe siècle !

Qui dit voyage, dit déplacement : or, le Grand siècle est traversé de processions de toutes parts ! Toutes les grandes cathédrales bien sûr, mais également les églises de villages, les chapelles qui ornent les hameaux de toutes les campagnes, les fontaines, les sources, les arbres séculaires donnent lieu à des processions qui sont autant de manifestations de cultures très locales : qu’elles soient religieuses ou profanes (pour les confréries d’artisans, pour les demandes de beau temps ou de pluie), elles remontent souvent à la nuit des temps, et fondent l’identité profonde de chaque village, de chaque hameau.

Dans ces processions, la musique est très présente : elle ponctue l’événement qui peut durer plusieurs heures ! Ce sont tantôt les menestriers qui officient : ce sont les musiciens locaux, qui jouent aussi pour les bals, les fêtes de villages. Ils jouent généralement des instruments de la famille des violons ou des hautbois. Pour les grands lieux religieux, ce sont les musiciens du chapitre de la cathédrale qui officient en procession (chant et instruments donc), soit à l’extérieur soit à l’intérieur même de l’église, avec des stations régulières, alternant le chant et la musique instrumentale.

Ces musiques étaient très peu notées : soit elles étaient portées par les ménestriers (donc de tradition orale) soit improvisées la plupart du temps à partir du plain chant. Il reste néanmoins un grand témoin de ces musiques de procession à travers la figure du génial Marc-Antoine Charpentier : les musiques de processions qu’il note, sont même ponctuées d’indications pour les musiciens, où l’on voit qu’il faut attendre que l’évêque avance à tel endroit avant de jouer telle musique ! Ce sont ces musiques que nous partagerons à l’occasion de ces cérémonies de voyage.

PROGRAMME

Marc-Antoine Charpentier
Musiques de procession
Supplicatio pro defunctis
Super flumina Babylonis
In odorem ungentorum
Beati omnes qui timent Dominum

Michel-Richard de Lalande
La Grande Pièce royale

François Couperin
Laudate pueri Dominum